Ci-dessous les dernières lignes d’UNE HISTOIRE DE LA LIBRAIRIE de François Bon, qui iront droit au cœur de tous ceux qui aiment le livre et l’écriture. Le lien avec le texte complet, téléchargeable en PDF est donné en bas de page. Merci à François Bon pour son formidable travail.)
« On n’écrit pas pour ajouter au livre. On écrit
pour mieux approcher les livres qu’on a déjà lus.
Peut-être pour les voir de plus loin dans l’intérieur, en
tout cas parfois on l’imagine (ne plus lire des quantités
de page : se surprendre à rester deux heures sur
trois lignes, s’en vouloir de ça – ceux qui se moquent
de ma capacité volontaire à m’endormir sur une page,
construire de rêver dedans : oui, en vingt ans, j’ai
progressé dans l’art du rêve page). L’intuition qu’on a
d’un texte, au point parfois que l’écrire n’a plus
d’importance, on se met à la machine et voilà, et on
inscrit ce qu’on a dans la tête, c’est là-dessus que des
heures ou des mois on a travaillé. Mais peut-être
encore plus par défense : je veux protéger l’endroit nu
et fragile où Kafka m’est ouvert, ou bien où je sauve
quelque chose du Scarabée d’or, de Jules Verne, de
Crabet et du Meaulnes. Et que protéger cet endroit, oui,
suppose de convoquer le monde et l’assigner à la
page. Qu’on lui tend comme sa carte d’identité, pile à
hauteur du nez et laissez passer. On écrit des livres
pour que ça cogne, parce que nous, là, derrière, on a
peur et qu’on est nu. Finalement, ce qui nous met au
même endroit que les libraires, c’est rien d’autre que
l’anxiété professionnelle. Ça n’a rien à voir avec le livre,
rien du tout. »
http://www.tierslivre.net/spip/IMG/pdf/FBon_HistoireLibrairie.pdf