Les secrets de l’hippocampe ou souvenir et mémoire

« J’ai la mémoire qui flanche
Je me souviens plus très bien
Lequel de nous deux s’est lassé
De l’autre le premier
Était-ce moi, était-ce lui
Était-ce donc moi ou lui
Tout ce que je sais, c’est que depuis
Je ne sais plus qui je suis… »

 

Tout le monde a en mémoire ces quelques phrases de la célèbre chanson de Jeanne Moreau, C. Bassiak et F. Rauber

La mémoire est un processus complexe qui comporte trois phases : apprentissage (attention – répétition), stockage de l’information puis restitution (évocation et reconnaissance). Ces phénomènes ne sont pas sous la dépendance d’une région précise ou spécialisée du cerveau, car notre mémoire siège dans plusieurs zones. La mémoire est donc une conception socialisée alors que le souvenir est personnel, chargé de subjectivité.

Avoir de la mémoire, se souvenir sont bien deux actions différentes de notre cerveau. Ils ne font pas appel à la même aire.

La capacité à acquérir des souvenirs conscients est localisée dans ce qu’on appelle l’hippocampe, qui est bien utile pour la mémorisation à long terme. C’est lui qui va redistribuer les souvenirs dans les parties du cerveau dépendant que nos perceptions (olfactives, visuelles, auditive, gustative, tactile). Il nous permet la reconnaissance et l’association.

C’est donc tout notre corps qui est un organe de perception, c’est par lui que passe tout ce que nous percevons, il est l’intermédiaire incontournable entre le monde extérieur et notre mémoire.

Pour que cette perception devienne souvenirs, qui sont le plus souvent indépendants de notre volonté, mais par contre dépendants de notre patrimoine génétique, notre histoire familiale, notre personnalité et bien sûr du vieillissement.

Cette mise en mémoire de nos perceptions se fait principalement par la répétition ou les associations, mais dans le cas des souvenirs, leur entrée dans nos mémoires se fait par le biais de l’émotion et de l’affect. C’est de ce mode d’acquisition que dépend l’intensité du stimulus plus que de la perception même. C’est ainsi qu’un paysage où l’on a éprouvé des sensations particulières, une musique qui est associée à un événement particulier, un parfum, un plat… restent imprimé dans notre mémoire. C’est la mémoire affective.

Par elle tout est affect. Notre vie est en relation permanente avec les objets, les êtres, la vie, nous-mêmes. Comme dans toute relation se tisse un lien affectif. Il y a comme un plaisir insouciant ou une indicible tristesse à se souvenir d’un moment particulier, d’un être cher, d’un objet particulier, d’un lieu, d’une musique … Ce qui est essentiel c’est la dimension affective qui nous lie à ce souvenir plus que le souvenir lui-même. Cette perception particulière laisse comme une cicatrice qu’un événement, un mot, un objet …va « rouvrir ».

Ce sont ces moments de joie ou de tristesse intense qui tissent nos souvenirs à long terme.

Lorsqu’un écrivain se lance dans le récit d’un souvenir c’est souvent par le biais d’une sensation, d’une réminiscence, de la vision d’un lieu …. Il ne provoque pas ce rappel il est suscité par les circonstances. C’est ce type d’émotion que l’on retrouve chez Proust et sa madeleine, mais aussi chez Chateaubriand que le chant d’un oiseau entendu à Montboissier ramène à Combourg.

Le souvenir est comme endormi en nous, et au rappel, il reprend vie, se reforme, soit solitaire soit lors de réunions d’amis : «  Tu te souviens d’Untel qui …. ? », où l’on constate le plus souvent que sur un même événement, les souvenirs divergent.

C’est ainsi que toute l’histoire orale puis écrite a été conservée, mais surtout enrichie des différents points de vues et des différentes interprétations d’un même événement au point qu’il est difficile de faire la part entre l’événement et le subjectif. Ainsi se créent les mythes.

Le souvenir est donc une construction sous l’influence des émotions, de l’humeur des images sensorielles, de la répétition, de la conscience de soi et de la présence de l’autre.

Claire Garsault

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