Cela pourrait s’appeler « Dictionnaire amoureux du cinéma » ou, mieux encore , « Dictionnaire d’un amoureux du cinéma », tant la passion du septième art l’anime. Passion contractée dès l’enfance avec la découverte éblouie des salles populaires d’après-guerre ; passion mûrie à l’adolescence, puis consolidée et armée par l’écriture et le contact direct avec le monde de la critique. Passion qui s’ouvrira patiemment quelques années plus tard un passage réussi vers la mise en scène.
Ce livre, vibrant d’un amour inentamé pour l’art de l’image mouvante, s’adresse autant au cœur qu’au sens esthétique du lecteur/spectateur. Il nous fait partager les émotions « raisonnées » de son auteur, et mieux encore les explicite. Je recommande à cet égard les lignes que Missiaen consacre à la mise en scène d’Anthony Mann. Elles nous en apprennent plus sur ce maître du western que bien des textes de facture « universitaire » par une approche « physique », intuitive, quasi charnelle, chevillée à la sensibilité profonde de l’auteur.
L’amour du cinéma, chez Missiaen, a pris une tournure « militante » lorsqu’il s’est agi de mobiliser une grande presse myope, paresseuse, encore indifférente à tant d’auteurs fondamentaux. Un énorme travail s’accomplit alors sous l’impulsion des « mousquetaires » Missiaen, Tavernier, Rissient, Mizrahi, qui réussirent à mettre les pendules à l’heure avec une ténacité « beyond the call of duty », qui transcendait leurs simples obligations professionnelles.
On trouvera une trace très vivante des campagnes de presse menées par Missiaen avec une fougue contagieuse. Pas besoin, pour s’y intéresser, d’aimer ou admirer un Leone, un Winner, un Bronson car il y a toujours à glaner dans ces pages nourries d’une chaleureuse empathie. Mais le plus intéressant se situe à mon avis dans les évocations intimistes d’un Sautet, d’un Montand, d’un Gabin… et de tant d’artistes devenus pour lui des frères ou parrains d’élection ; et dans les lignes si tendres que lui inspirent Romy, Cyd, Sylva… autant que Burt ou Alan (Ladd). Ici affleure une émotion pudique qui ne laissera aucun lecteur indifférent.
Dois-je ajouter que je suis depuis cinquante ans l’ami de Jean-Claude, et que cette amitié ne conditionne ni n’altère en rien mon jugement.
Olivier Eyquem
Riveneuve. Collection Cinéma. Archimbaud éditeur, 2017. 34 €